Je t'avais promis un exemple précis et expliqué d'expériences faites pour la gemmothérapie... Nous y sommes ! Le Romarin (Rosmarinus officinalis), tu connais ? Mais bien sûr ! Qui ne le connaît pas ? Que je l’aime cette plante ! Elle pousse presque partout chez moi et j’aime en grignoter un bout n’importe quand.
Le macérat gemmothérapique de Romarin se réalise avec les jeunes pousses feuillées fraîches, non ligneuses. Il s’agit toujours de jeunes pousses non florales.
==> Alors, la question qui se pose est pourquoi utiliser plutôt les jeunes pousses que les feuilles adultes du Romarin ?
D’abord, la composition chimique des jeunes pousses est-elle différente de celle de la feuille adulte ?
Ces questions ont été étudiées par Rasmussen et coll. (1972) (1).
Ces derniers ont comparé la composition chimique des teintures mères de jeunes pousses et de feuilles adultes. Les hydrocarbures monoterpéniques, le bornéol, l’acétate de bornyl, le terpinol, le terpinène-4ol sont plus abondants dans les jeunes feuilles que dans les feuilles adultes. Par contre les quantités de camphre et de verbénone augmentent régulièrement en fonction de la croissance des feuilles. La quantité de terpinéol ne varie pas en fonction de l’âge des feuilles.
Les équipes du Laboratoire de pharmacognosie de Metz et de Nancy (2) ont également contribué à répondre à ces questions en réalisant l’empreinte chimique d’un extrait aqueux de jeunes pousses par Chromatographie sur Couche Mince (CCM) et réactions chimiques simples.
Ils ont ainsi pu mettre en évidence la présence de tanins de nature gallique, de composés flavonosidiques, d’acides phénols, de nombreux autres composés réducteurs, des composés terpéniques (terpinéol et acide oléanolique) ainsi que des sels minéraux dont le potassium en quantité importante (environ 1%). De plus, une autre analyse a permis de quantifier précisément la présence d’acide rosmarinique, d’acide chlorogénique et d’acide caféique.
Parmi ces composés, c’est l’acide rosmarinique qui est en plus forte concentration dans les extraits de jeunes pousses de Romarin comparé aux extraits de plante entière.
(1) K.E. Rasmussen, S. Rasmussen, A. Baerheim svendsen, «Quantitative determination of the various compounds of the volatile oil in small amouts of plant material by means of gas liquid chromatography. Terpenes and related compounds», Pharm Weekblad, 107, pp.277-284, 1972.
(2) C. Hoefler, Contribution à l'étude pharmacologique des extraits de Rosmarinus officinalis L., et notamment des jeunes pousses: activités cholérétiques, anti-hépatotoxiques, antiinflammatoires et diurétiques, Université de Metz, Centre des Sciences de l'environnement: thèse de doctorat, spécialité pharmacognosie, 1994.
Ensuite, l’effet hépatoprotecteur du Romarin est-il plus efficace dans les jeunes pousses ?
La technique consiste à administrer à des rats, une seule injection de tétrachlorure de carbone à la dose de 0,3 ml par kg en intra-péritonéal de manière à provoquer une hépatite toxique réversible (3).
L’atteinte hépatique est évaluée 24 heures après par la mesure de l’activité de la Glutamate Pyruvate Transaminase (GPT) plasmatique.
Ces rats intoxiqués sont répartis en trois groupes :
- un groupe de rats qui reçoit l’extrait E (jeunes pousses récoltées en mai à Montpellier) à la dose de 1500 mg/kg ;
- un groupe qui reçoit l’extrait F (plante entière) à la même dose ;
- un groupe placebo qui ne reçoit donc aucun traitement.
(3) C. Hoefler, J. Fleurentin, F. Mortier, J.-M. Pelt et J. Guillemain, «Comparative choleretic and hepatoprotective properties of young sprouts and total plant extracts of rosmarinus officinalis in rats,» Journal of Ethnopharmacology, n° 19, pp. 133-143, 1987.
Quels en sont les résultats ?
Administrées à 1500 mg/kg, les jeunes pousses (extrait E) présentent un effet hépatoprotecteur (+ 63%) ; par contre, la plante entière n’a pas présenté d’activité à cette même dose (+7%).
Cependant, on ne peut pas exclure l’activité de la plante entière à des doses supérieures.
Tout est une histoire de dose, n’est-ce pas ?
Mais allons plus loin !!!
Pour compléter cette expérimentation, les auteurs ont comparé l’activité hépatoprotectrice des jeunes pousses et de la plante entière de Romarin avec l’activité de deux produits de référence : la silymarine à 100 mg/kg et un extrait de semences de Chardon-Marie (Silybum marianum) à 1000 mg/kg en intra-péritonéal.
Hépatoprotecteur, cholérétique et cholagogue, le Chardon-marie est célèbre en phytothérapie.
La silymarine est un des constituants majoritaires du Chardon-Marie dont elle est extraite.
On se doute que ce poids lourd du foie et son constituant vont être difficile à battre…
Mais nos jeunes pousses se défendent bien !
Bien d’autres expérimentations existent et les résultats sont bluffants…
==> Mais que peut-on en conclure ?
D’abord, ces travaux pharmacologiques confirment largement les indications traditionnelles de Rosmarinus officinalis qui possède des propriétés hépatoprotectrices (qui protègent le foie).
Ensuite, les études comparatives des extraits de jeunes pousses et de plante entière ont montré que l’activité hépatoprotectrice des jeunes pousses était supérieure à celle de la plante entière, pourtant récoltée et préparée dans les mêmes conditions. Donc, même pour l'infusion, si tu utilises le Romarin pour cette propriété, utilise des jeunes pousses dès que tu le peux...
En outre, au cours d’autres expérimentations sur l’activité diurétique du Romarin, non abordé ici, les jeunes pousses se sont avérées être aussi les plus actives à la dose de 50mg/kg. Dans ce cas, seul le macérat glycériné de jeunes pousses est actif, contrairement aux extraits aqueux (donc l'infusion).
C’est là tout l’art de non seulement connaitre les différentes formes galéniques mais aussi savoir utiliser l’une plus que l’autre dans tel ou tel cas : et ça c’est notre travail…
C’est qu’elles se défendent bien nos petites « gemmes » !!!
Alors, on passe à la préparation ? Un peu de patience ! C'est pour le prochain article ! Je sais, je suis mauvaise...
Herbalistiquement,