Evidemment, en tant qu'herbalchimiste, il fallait bien que je t'explique l'intérêt chimique de l'utilisation des bourgeons ! Alors, fais-toi une petite infusion de Romarin. On y va !
Comment agit la gemmothérapie ?
La thérapie par les bourgeons considère l’être humain dans son ensemble et présente en même temps des propriétés thérapeutiques précises. En effet, on a pu démontrer grâce aux travaux scientifiques du Docteur Max Tétau, des indications cliniques différentes de celles définies en utilisant la plante adulte. Le docteur Enrica Campanini de l’université de Florence en décrit d’ailleurs l’action dans son ouvrage Manuale pratico di gemmoterapia.
Les tissus embryonnaires sont le lieu privilégié de la croissance. En effet, la plante interrompt sa croissance et se met dans un état végétatif (sans mauvais jeu de mot) en hiver à cause du froid… Or, la plante ne meurt pas, bien au contraire ! Elle concentre toute sa vitalité dans les bourgeons qui assureront sa future croissance, au printemps. Les bourgeons sont donc la représentation a minima de l’intégralité de la plante, de ses informations génétiques et des propriétés de chaque tissu. Ils sont d’ailleurs caractérisés par un rythme intense de multiplication cellulaire. Les cellules embryonnaires végétales sont totipotentes, c’est-à-dire capables de se différencier selon leurs besoins. Une seule de ces cellules embryonnaires, peut, in vitro, reconstituer le végétal dans sa globalité.
Il existe différents types de bourgeons. Selon leur destinée, on distingue schématiquement, dans ceux qui nous intéressent (ceci n’est pas un cours de botanique):
- Les bourgeons végétatifs (terminaux ou axillaires) qui assurent le développement des tiges et des rameaux végétatifs avec leurs feuilles (ébauches foliaires).
On les nomme « bourgeons à bois ». Ils sont généralement petits et étroits.
Il n'y a généralement qu'un bourgeon axillaire par feuille mais exceptionnellement quelques espèces peuvent présenter des bourgeons axillaires à l'aisselle de la même feuille (bourgeons axillaires multiples).
C'est le cas par exemple du caféier.
- Les bourgeons floraux qui assurent le développement des rameaux florifères et des fleurs (ébauches florales). Ils sont généralement plus gros et plus remplis que les bourgeons végétatifs.
Les biochimistes ont retrouvé, dans ces deux types de bourgeons, toutes les réactions anaboliques (1) spécifiques de :
- l’organogenèse, c’est-à-dire la formation des organes
- l’histogenèse, c’est-à-dire la formation des tissus
(1) Ensemble des réactions qui assimilent les matières nutritives afin de construire et renouveler les tissus vivants.
Ces macérats peuvent donc être considérés comme des "concentrés d’énergie vitale" en mesure d’activer les processus biologiques de l’organisme.
En effet, il a été mis en évidence des concentrations nettement plus importantes que dans les tissus adultes de la plante correspondante, comme :
- L’auxine, les gibbérellines et les cytokinines qui sont de puissants facteurs de croissance. Ce sont des hormones végétales ou phytohormones ;
- D’autres substances dont des enzymes et des acides nucléiques.
L'auxine et son action sur les végétaux.
La synthèse de l’auxine (du grec "auxè" qui signifie "croissance") s'effectue dans l’extrémité des tiges en croissance et dans les jeunes feuilles des bourgeons terminaux. Les précurseurs de la molécule, le tryptophane (2) par exemple, sont fabriqués dans les feuilles plus âgées, à la lumière, l'année précédente dans le cas de feuilles caduques.
La migration est primordiale : elle doit être distribuée partout, jusqu'aux racines (stockage). L'auxine se déplace préférentiellement du haut vers le bas : la lumière provoque une migration d'auxine vers la partie sombre engendrant ainsi un allongement de la racine.
(2) Le L-tryptophane est un acide aminé essentiel à l’organisme, découvert en 1901 par Sir Frederick Growland. La molécule de tryptophane possède deux isomères "D" et "L". La configuration "L" est physiologique, c’est celle que l’on retrouve naturellement dans l’organisme.
Le L-tryptophane est un précurseur métabolique de la sérotonine. Dans l'organisme, après son absorption et sous l'influence d’une enzyme, le tryptophane hydroxylase, le L-tryptophane est transformé en L-5-hydroxytrytophane, à son tour métabolisé en sérotonine sous l'influence des enzymes décarboxylases.La sérotonine est un neurotransmetteur qui joue un rôle important dans la régulation de l’humeur et du moral. Le tryptophane est aussi à l’origine de la synthèse de la mélatonine, appelée couramment "hormone du sommeil", et de la niacine, appelée aussi vitamine B3.
Elle provoque le relâchement de la paroi, stimule la pompe à protons de la membrane et entraîne une acidification du milieu, d'où une sortie des protons de la cellule, ce qui a pour conséquences des ruptures de liaisons chimiques dans certains composés de la paroi, un déplacement de calcium qui a le même effet, une entrée de potassium dans la cellule, d'où une augmentation de la turgescence (3) et une activation d'enzymes d'hydrolyse des composés de la paroi.
(3) La turgescence est un état cellulaire où une cellule végétale, ayant absorbée de l'eau, est en état de tension. L'état inverse est la plasmolyse.
La turgescence est due à l'entrée par osmose d'un flux d'eau dans la cellule végétale et sa vacuole. La pression engendrée par cet afflux d'eau, ou pression de turgescence, rigidifie les parties molles de la plante (tiges, feuilles, pétales).
Ce flux d'eau est créé par la présence dans le milieu externe d'un liquide moins concentré que le milieu cellulaire, ce qui provoque un déplacement d'eau par osmose depuis le milieu externe vers le milieu cellulaire.
Ainsi, les cellules d'une plante en stress hydrique et ratatinée par le manque d'eau se gonfleront en présence d'eau et redonneront à la plante son port développé.
L'auxine est aussi capable de modifier l'expression de certains gènes de la plante, en particulier ceux qui interviennent dans la fabrication des protéines qui vont intervenir dans l'augmentation de la taille de la cellule. L'auxine stimule les divisions cellulaires (mitose) et agit aussi, mais ceci ne concerne pas le bourgeon, sur les cambiums (4). L'auxine contribue à la croissance des tiges et des rameaux, à partir des bourgeons, l'élongation des entre-nœuds n'est pas son fait.
(4) Assise continue de cellules à la limite du bois et de l'écorce, et dont le fonctionnement entraîne l'accroissement en diamètre des racines, du fût, des branches et des rameaux.
Les cytokinines et leur action sur les végétaux.
Les cytokinines (du grec "kutos", cellule ; "kinein", mouvoir, au sens de séparer) ont des propriétés activatrices de la division cellulaire.
Présentes dans la sève brute, elles sont impliquées dans la croissance et la différenciation cellulaire mais elles ont beaucoup d'autres effets.
- Elles activent la production de chlorophylle et l'ouverture des feuilles ;
- Elles favorisent la croissance cellulaire, la formation de jeunes pousses, le déchargement de composés sucrés par le phloème (5) (Je t'ai, d'ailleurs, déjà parler du phloème ou plutôt de ces canaux dans cet article) ;
- Elles retardent la sénescence foliaire (6) ;
- Elles permettent la séparation des chromosomes lors de la division cellulaire ;
- Elles sont impliquées dans les morphogénèses (7) ;
- Elles stimulent le métabolisme des cellules des jeunes pousses.
(5) Le phloème, la sève brute, permet la conduction verticale de la sève élaborée riche en glucides tels que le saccharose, le sorbitol et le mannitol. Le mouvement de sève dans le phloème est bidirectionnel.
(6) Vieillissement de la feuille
(7) Une morphogenèse est un processus biologique qui donne sa forme, sa morphe, à un organisme. Cette morphogenèse est l'un des trois aspects fondamentaux de la biologie du développement avec le contrôle de la croissance cellulaire et la différenciation cellulaire incluant le développement des formes et des structures d'un organe vivant.
Les gibbérellines et leur action sur les végétaux.
Les gibbérellines, composés terpéniques, sont aussi des hormones végétales : le composé actif est appelé acide gibbérellique.
La synthèse des gibbérellines est particulièrement intense dans les parties terminales des jeunes pousses, les pétioles et les jeunes feuilles. Elles permettent l'allongement des cellules des entre-nœuds, provoquent la croissance des bourgeons terminaux, permettent la levée de la dormance et le débourrement des bourgeons.
Elles ont d'autres actions sur le bourgeon :
- provoquer la floraison de plantes durant les jours courts ;
- masculiniser les fleurs ;
- stimuler la croissance du fruit ;
- retarder la maturité du fruit ;
Mais elles n'ont pas d'action connue sur les racines.
Autres substances contenues dans les bourgeons.
De nombreux principes actifs différents se rencontrent dans les bourgeons. Evidemment, les constituants suivants ne se retrouvent pas dans tous les bourgeons !
Je ne te ferai pas une liste exhaustive mais je te donne quelques exemples afin que tu te rendes compte de la richesse de constituants contenus dans ces petits bouts de plante...
- Des dérivés terpéniques : farnésol
- Des flavonoïdes : quercétine, rutine, kaemphérol, etc. qui assurent la protection contre les maladies des bourgeons. Ce sont antioxydants, veinotoniques, anti-inflammatoires, antihistaminiques, anti-thrombotiques, antiviraux et diurétiques.
- Des acides phénols : acide chlorogénique, acide caféique…
- Des amines cardiotoniques
- Des mucilages
- Des acides nucléiques (information génétique)
- Des pycnogénols
- Des acides aminés avec une prédominance d’arginine, proline, alanine.
- Des oligo-éléments (zinc, potassium, manganèse, fer, cuivre, chrome…)
- Des vitamines
- Des huiles essentielles
- De l’eau (de 60 à 70%)
Alors, petits mais costauds nos bourgeons, non ?
Dans le prochain article, je t'expliquerai comment ces constituants agissent sur le corps humains... Impatient.e ? Comme je te comprends !
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