Je t'offre un petit conte pour expliquer la raison pour laquelle les Orties piquent...
Il était une fois une jeune femme qui faisait du bien autour d’elle. Uram*, c’était son nom, soulageait, soignait, accouchait… Elle vivait avec d’autres femmes fort sages dans une clairière en complète autonomie, cultivant la terre avec respect, recyclant les objets qu’elles trouvaient et dont personne ne voulait. Elles devaient, en effet, vivre cachées dans la forêt car certains villageois les prenaient pour des sorcières et leur voulaient du mal. Mais Uram n’avait pas peur. L’unique chose qui comptait pour elle était de soulager les gens qui venaient les voir, elle et ses sœurs, comme elles s’appelaient entre elles. Cette congrégation était d’ailleurs bien connue et on vantait, de bouche à oreille, leurs vertus.
Un jour, un jeune homme, très faible, se présenta à Uram. Il était condamné par les médecins. Il n’avait plus d’espoir. Sa mère, qui l’avait amené, se lamentait et implorait qu’on sauva son unique enfant. Uram et ses sœurs se mirent donc au travail : elles firent des teintures de plantes, réalisèrent infusions et décoctions qui, petit à petit, redonnèrent de la vigueur au jeune homme anémié. Le fils et la mère passèrent, ainsi, quelques mois dans la congrégation qui était aux petits soins pour eux.
Le père du jeune homme, inquiet de ne pas voir sa femme et son fils de retour, décida de se rendre dans la forêt qu’on disait hantée. En effet, peu de villageois s’y risquaient sauf s’ils avaient un grand mal à faire soulager par la congrégation d’Uram. Lorsqu’il arriva dans la clairière, il put voir son fils qui marchait avec entrain et courait même !
« Sorcellerie ! hurla-t-il. C’est le Diable qui a pris les traits de mon fils mourant ! C'est le Diable ! Sorcières ! Qu’avez-vous fait ? »
Il s’enfuit en tout hâte, jurant qu’il ne reviendrait pas seul pour se venger, sans entendre, hélas, les supplications de sa femme.
Uram commença à s’inquiéter… Qu’adviendrait-il de ses sœurs et d’elle si cet homme enragé amenait avec lui les villageois qui leur étaient déjà hostiles ? La mère du jeune homme se perdit en excuses mais elle ne pouvait rien faire : son mari était un homme têtu et méchant. Il n’écoutait personne. Mais, elle connaissait un moyen… Elle avait entendu parler d’une sorcière - une vraie! - qui pouvait réaliser les vœux de ceux dont le tourment était bien réel. Le voyage était long et pénible mais Uram se porta volontaire.
Uram fut courageuse et digne pendant ce voyage périlleux. Lorsqu’elle parvint, enfin, chez la Sorcière, elle lui expliqua leur problème. La Sorcière l’écouta avec attention et sourit…
« Que veux-tu donc exactement mon enfant ? demanda la Ténébreuse.
- Je veux que tu nous aides à combattre ceux qui nous veulent du mal ! répliqua fièrement Uram.
- Mais tu es une véritable guerrière dis-moi ! Veux–tu donc que je les tue ?
- Bien sûr que non ! Mais nous ne savons que soigner et nous occuper de la terre… Il faut que nous puissions nous défendre ! Ne peux-tu faire apparaître une armée qui combattrait ces fous furieux ? »
La Sorcière, si placide jusque-là, éclata de rire… un rire clair et franc. Puis, elle sourit de nouveau, avenante mais énigmatique.
« Tu veux donc une armée, jeune Uram… Je veux bien vous aider, toi et tes sœurs. Mais il va falloir que tu fasses un vœu, un unique vœu… Et fais bien attention à ce que tu souhaites de peur que cela ne se réalise… »
Uram s’interrogea sur la signification des propos de la Sorcière mais le temps pressait. Elle réfléchit un moment puis énonça son vœu.
« Je souhaite… hésita-t-elle.
- Oui ? demanda l’Étrange.
- Je souhaite, reprit la jeune femme altière, que mes sœurs et moi puissions nous défendre efficacement contre ceux qui nous approchent sans respect… Que leur venin se retourne contre eux ! Qu’ils nous laissent donc continuer non seulement à guérir en paix ceux qui le veulent mais aussi, fortes de nos vertus et de notre savoir-faire, à nous occuper de la terre dont nous sommes issues.
- Dont nous sommes issues ? répéta la Sorcière avec intérêt.
- Euh, oui… Mon souhait n’est-il pas valable ? s’inquiéta Uram.
- Si… Il est même fort intéressant… »
L’Énigmatique fit une pause et reprit : « Retourne donc chez toi, fière et piquante Uram, ton souhait se réalisera au moment même où vous serez en danger. »
Uram, bien qu’un peu déstabilisée par l’étrange personnage, repartit le cœur léger et certaine de leur victoire…
À peine fut-elle rentrée et eut rassuré ses sœurs qu’une clameur se fit entendre. Armés de cisailles et de faux, une horde de villageois en furie arrivaient : ils comptaient bien éradiquer ces femmes aux vertus et aux pouvoirs si grands et qui leur faisaient si peur.
Soudain, un éclair aveugla tout le monde. Un cri strident et puissant se fit entendre. Il était si puissant que les villageois, n’y voyant plus, en furent complètement désorientés et s’effondrèrent un moment. Lorsqu’ils reprirent leurs esprits, ils étaient seuls dans la clairière : plus de sœurs… Seules des plantes étranges qu’ils n’avaient jamais vues poussaient à foison, en colonie, si proches les unes des autres qu’il était impossible d’en toucher une sans toucher l’autre… Ils étaient complètement encerclés et à chaque mouvement qu’ils faisaient, les maudites plantes piquaient, brûlaient, meurtrissaient les assaillants. Les villageois hurlaient et vociféraient à chaque pas. Des furoncles cuisants apparaissaient sur leurs bras, leurs jambes, leur visage…
Et c’est marqués au sang qu’ils s’enfuirent pour retourner dans leur village pendant qu’une étrange silhouette encapuchonnée s’éloignait, lentement, en souriant…