6 - Belles fibres Mme l'Ortie !


La grande Ortie produit 6 à 8 % de fibres, ce qui est moins que le Chanvre ou la Ramie, mais qui sont toutefois parfaitement utilisables.

La fibre de l’Ortie de Chine et de la Ramie présente un aspect brillant et éclatant qui lui a valu le surnom de « soie végétale ». D’ailleurs, pour la petite histoire, beaucoup de voyageurs ont pris, en effet, pour des vêtements de soie les robes inusables que les Chinois se transmettaient en héritage et qu’ils fabriquaient avec l’Ortie.


LE SAVAIS-TU ?

Les Chinois n’étaient pas les seuls à fabriquer leur costume avec la fibre d’Ortie qui était aussi utilisée par les Aïnous, une tribu du Japon, pour confectionner leur costume traditionnel. 



Mais revenons à l'Ortie dioïque que l'on trouve très facilement partout...

La fibre naturelle d’Ortie est large (entre 10 et 25 mm) et creuse ce qui la rend d’une résistance à toute épreuve bien que légère : un fil d’ortie de la grosseur d’un fil à coudre ordinaire ne peut être cassé à la main. Et elle est biodégradable ce qui ne gâche rien, n’est-ce pas ?

D'ailleurs, utiliser l'Ortie pour réaliser des cordages est très intéressant et souvent mis en oeuvre dans les techniques de survie: pour cela, on utilise l’écorce des tiges… Tu trouveras, sur le net, de nombreuses vidéos expliquant la marche à suivre : beaucoup parle de réaliser une cordelette en fibres d’Ortie mais on utilise bel et bien l’écorce de la tige renfermant les fibres. C’est long à faire mais le résultat vaut le coup ! En voici un exemple... (Chaîne Youtbe de Théo ART Survie)

La fibre creuse de l'Ortie présente, aussi, des qualités très intéressantes en matière d'isolation thermique, grâce à sa capacité à emprisonner de l'air dans le tissu puisqu'elle est creuse.

Cette propriété naturelle peut être exploitée par les fabricants pour obtenir une étoffe isolante ou au contraire une étoffe estivale plus fraîche. C’est la façon dont elle est travaillée qui va permettre d’obtenir différentes sortes de tissus. 

- Lorsqu’elle est tordue sur elle-même, elle s’apparente à du coton. L’air étant expulsé du creux de la fibre, on obtient un tissu aéré et léger. 

- Au contraire, lorsqu’elle n’est que peu tordue sur elle-même, elle se rapproche beaucoup plus de la laine.

L’air, resté emprisonné à l’intérieur de la fibre, sert d’isolant thermique ce qui permet de résister au froid.

Ses capacités d’isolation sont évidemment supérieures aux tissus synthétiques…

Les Romains auraient dû tisser plutôt que se fouetter !

 

Comment faire pour extraire la fibre d'Ortie dioïque ?

- Il faut tout d'abord la cueillir lorsqu'elle a atteint maturité à la fin de l’été : les feuilles vont se faner, les tiges se colorent de jaune ou de rouge, et les graines mûres chutent.

 

- Puis on sépare la tige des feuilles.

On garde évidemment les feuilles pour les faire une bonne infusion, par exemple. Même si elles sont un peu "passées", on ne va pas gâcher tout de même.

Quant aux graines, conserve-les précieusement, ainsi que les racines si tu prends toute la plante. Tu en sauras plus dans la future fiche plante...

 

- A ce stade, certains choisissent d’effectuer un rouissage. C'est une étape très « odorante » (si tu fais du purin d’Ortie, tu sais de quoi je parle), qui permet de séparer les fibres, des déchets de bois qui sont difficiles à détacher. Le rouissage a le défaut d’altérer les fibres, quand il n’est pas conduit avec le plus grand soin.

Cela consiste à faire tremper les plantes entières dans un bassin à 50-60° C jusqu’à ce que les substances pectiques qui relient les fibres entre elles soient détruites par fermentation. Les fibres peuvent alors être séparées des parties ligneuses. Le rouissage va durer 6-7 jours, au cours duquel il faudra remplacer l’eau tous les jours si l’on ne veut pas entraîner de putréfaction qui pourrait diminuer la qualité des fibres. Tu pourras évidemment utiliser cette eau dans ton jardin comme fertilisant.

Pour faciliter cette étape, il est possible d’opérer dans une eau courante.

 

Mais, il existe un autre moyen, testé et approuvé par... moi : il suffit de mettre les tiges fraîches à la vapeur… Au bout de quelques minutes, la chènevotte se sépare avec la plus grande facilité de la couche corticale contenant toutes les fibres utilisables ! À ton cuiseur-vapeur !!! Cela demande un peu d’entraînement tout de même… Ou alors, c’est à la main, gamin ! (ça ne rime pas avec gamine…) Et c’est extrêmement difficile…

 

- Après un rouissage, on laisse sécher ces tiges environ 2 jours.

Si tu as opté pour la vapeur, il faut faire sécher les fibres.

 

- Ensuite, si tu as fait un rouissage, après séchage des tiges, vient l'étape du battage des tiges : c'est une action mécanique qui permet de casser le bois des tiges et commencer à séparer les fibres.

Tu peux le faire à la main mais c'est assez long.

 

- S'en suit l'étape du teillage constituée de peignages successifs qui permet de débarrasser la fibre de toutes ses impuretés et d’obtenir une filasse brute qui sera stockée au sec. Tu peux les peigner avec deux brosses à chiens, cela fonctionne.

 

- La fibre d'Ortie est ensuite filée, de manière à obtenir un fil solide et de grande taille qui pourra ensuite être tissé.

 

Voici un exemple utilisant la technique du rouissage (Chaîne Youtube de Michael Taylor)

Te rends-tu compte ? Les vêtements réalisés en fibres d'Ortie sont aussi jolis que ceux en soie, mais tellement solides qu'ils entrent dans les héritages…

Quelle catastrophe pour l'industrie textile !


LE SAVAIS-TU ?

La fibre d’Ortie possède, naturellement, un champ électromagnétique positif…

Il est donc protecteur.



La fibre d'Ortie a bien d'autres applications !

En Europe, on retrouve l’utilisation de la fibre d’Ortie dans la filière fromagère où elle est utilisée pour réaliser de fines toiles solides (étamines) qui servent à égoutter les fromages.

Cela permet un égouttage plus homogène et un meilleur drainage du petit lait. L’aspect final de la croûte en est amélioré et présente moins d’aspérités. Le risque de contamination bactérienne est plus faible et l’entretien des fromages en est facilité. Il faut aussi savoir que ces étamines ne noircissent jamais !

Et on comprend cet usage lorsqu’on sait que l’Ortie est un conservateur, un nettoyant et un antiseptique puissant… parmi ses nombreuses propriétés !

 

Ainsi, bien avant l’apparition des réfrigérateurs, les propriétés conservatrices des feuilles d’orties étaient mises à profit pour garder la fraîcheur des produits.

Pour conserver le beurre que l’on devait vendre au marché, afin qu’il ne rancisse pas, on l’enveloppait de feuilles d’Ortie.

De la même manière, les pêcheurs en mettaient autour de leurs poissons fraîchement pêchées, tout comme les bouchers : à Paris, au siècle dernier, il ne fallait pas s’étonner de voir des morceaux de viande bardées d’Orties… Il en est de même pour les poires et les pommes, qui déposées sur un lit de feuilles d’Orties, se conservent plus longtemps. 

 

Les propriétés nettoyantes et dégraissantes de l’Ortie sont connues de longue date.

Ainsi, en montagne, les bergers récuraient leurs chaudrons à fromage avec des poignées d’Orties fraîches avec un résultat comparable à celui d’un détergent classique.

En Bretagne, elle est encore utilisée pour décrasser les fûts à cidre et nettoyer les ustensiles en grès et en aluminium.

En Normandie, les femmes avaient recours aux feuilles d’Ortie pour venir à bout des taches de graisses récalcitrantes.

Cette propriété est due à la richesse de la plante en silice (les poils) et en carbonate de calcium (cystolithes). C’est pourquoi la poudre d’Ortie, obtenue après séchage et broyage, a longtemps été mise à contribution dans les laiteries pour le nettoyage des ustensiles et notamment celui des cuves.

 

Quant à son action antiseptique, il n’est pas en reste…

On recouvrait les casseroles et, notamment, les ustensiles, servant à la traite et à la fabrication des fromages, avec de l’eau et des Orties fraîches, pour les désinfecter.

D’ailleurs, pour filtrer le lait qui venait d’être trait, on disposait des Orties dans l’entonnoir ou sur une étamine… en fibres d’Ortie, comme je t'en ai déjà parlé ! Tu te souviens ?


LE SAVAIS-TU ?

La macération d’Orties est très efficace pour nettoyer les vieux cuivres, les marbres et les surfaces en béton. Un tampon à récurer imprégné de cette macération et de savon de Marseille donne de très bons résultats comme en témoigne Raymonde Gal, agricultrice : « Le savon et l’Ortie sont indispensables. Utilisé seul, ni l’un ni l’autre ne donne le même résultat ».

 

L’Ortie peut aussi être utilisée pour patiner les meubles, parquets et escaliers en bois…



Enfin, on fabrique un beau papier artisanal avec des fibres d’Orties.

L’emploi de l’Ortie comme constituant unique de la pâte à papier a été relativement limité, alors que son incorporation en mélange à d’autres matières, notamment les  vieux chiffons, était une pratique courante.

 

Malheureusement aujourd’hui, encore pour cause de rentabilité (le fric, le fric, le fric), cette pratique a été abandonnée sauf dans quelques rares exceptions.

Parlons fric justement : c’est la Ramie qui fut utilisée pour la fabrication des billets de banque. Ces derniers étant soumis à de nombreuses manipulations, ils devaient être d’une résistance bien supérieure à celle d’un papier d’imprimerie ordinaire.


LE SAVAIS-TU ?

C’est en 1892 que la première vignette de 100 francs de la série bleue et rose fut imprimée sur du papier obtenu avec un mélange de chiffons et de Ramie.

Plus tard, le 10 000 F (correspondant à 100 nouveaux francs) à l’effigie de Bonaparte sera imprimé, en 1965, sur du papier composé à 100 % de Ramie.

Puis les 500 F (le bon vieux Pascal), 200 F (Montesquieu), 100 F (Delacroix) et 50 F (Quentin de La Tour) seront également imprimés sur des papiers contenant en partie de la Ramie.



Encore une fois, ce sont les difficultés techniques de fabrication et le faible rendement font qu’elle est peu à peu délaissée au profit du coton, notamment pour les coupures de faible valeur alors que ce sont elles qui sont le plus manipulées.

Un comble non ?

Je te laisse méditer là-dessus...

 

Certains Herbamis, qui se reconnaîtront, parlaient de tricoter leur pyjama... Bonne idée ! Quoiqu'un peu fastidieux peut-être... mais un peu d'ambition ne peut pas nuire.

Et toi, alors, tu te sens prêt(e) à sortir tes aiguilles ? Et peut-être même à teindre ton ouvrage avec l'Ortie, encore elle ! Tu ne sais pas comment faire ? Heureusement que je suis là quand même ! Lis le prochain article...

 

Herbalistiquement,