3 - Comment apaiser la brûlure de l'Ortie ?


Troisième article sur notre amie l'Ortie... Aujourd'hui, on s'intéresse à sa cueillette et donc à sa brûlante piqûre.

Pour la cueillir, d’aucuns diront : « Vite !!! Des gants ! ».

C’est, en effet, vraiment préférable si tu es novice ou si tu cueilles l’Urtica urens, la Petite Ortie, qui, la coquine, est une poilue (Voir mon deuxième article sur l'Ortie). Elle en a partout d’où son sobriquet de « brûlante ».

La petite Ortie, comme sa grande sœur, croît partout, parmi les décombres, dans les lieux incultes et abandonnés, le long des haies, dans les jardins.

Elle est monoïque : les fleurs mâles et femelles sont présentes sur le même pied.

Bien plus petite que la grande Ortie (Urtica dioica), elle dépasse rarement les 50 cm et a une racine pivotante.

Sa piqûre est bien plus douloureuse que celle de la Grande Ortie. Petite mais costaud ! Impossible de ne pas garder un souvenir de sa cueillette. Alors, avec elle, on ne joue pas les héros ou les héroïnes ! Je te promets qu’elle gagnera à tous les coups…

Urtica dioica, La Grande Ortie, quant à elle, est plus abordable, plus mâture…

C’est une vivace contrairement à sa petite sœur. Mais comme elle, elle croit partout dans les lieux incultes, les buissons, etc. C’est la plus commune.

Point très intéressant : elle est, comme son nom l’indique, dioïque c’est-à-dire qu’elle possède la particularité de porter des fleurs mâles et femelles sur des pieds différents.

Elle peut atteindre 1,50 mètre de haut. Ses racines sont de longs rhizomes qui lui permettent de former d’importantes colonies, par stolons.

Ainsi, quand tu veux la cueillir en "conscience" et en douceur, tu peux tenir les feuilles supérieures d'Ortie entre le pouce et l'index, de part et d'autre de la tige, sans laisser le reste de la main au contact de la plante.

Si tu ne veux que les feuilles, remonte la main en serrant. Les poils de la Grande Ortie étant en majorité localisés sur le pétiole et sur certains endroits de la tige mais dirigés de manière oblique vers la pointe de la feuille, on ne craint généralement pas de piqûre de cette manière.

Donc saisis-la à la base de sa tige et caresse-la par en-dessous…

Urticante mais sensuelle… N’est-elle pas dioïque ?


LE SAVAIS-TU ?

Le nom de la grande ortie Urtica dioica vient du grec di-oïkos signifiant « deux maisons », en référence au caractère dioïque de la plante avec des pieds mâles et des pieds femelles séparés.


Mais ne te leurre pas, il sera difficile d’éviter de petites piqûres d’autant qu’on a tendance, et avec raison, à ne vouloir ramasser que les « têtes » au Printemps, plus tendres et souvent exemptes de souillures d’animal…

Et on se rend compte que souvent, ce n’est pas l’Ortie que l’on ramasse qui nous pique, mais ses voisines, tellement proches et auxquelles on fait moins attention, ou bien les orties qui sont déjà dans notre sac…

Abordable ne veut pas dire domesticable.

 

Quelques personnes prétendent pouvoir cueillir les Orties sans se piquer en retenant leur respiration.

Autre technique pour d’autres : avant de cueillir des Orties, il faudrait se passer la main plusieurs fois dans les cheveux, paume et dos. Et bonne chance à ceux qui veulent trouver une explication !

Les cuisiniers affirment que l’Espiègle ne pique plus une fois mouillée… L’histamine et l’acide formique étant solubles dans l’eau, cela semble logique. Va donc la cueillir sous la pluie pour vérifier…

Je fais partie de ceux qui demandent l'autorisation à la belle de la cueillir.

A toi de trouver ta technique ou ton enchantement...

C'est là tout le mystère de cette plante magique… L’Ortie semble douée de discernement et semble délivrer son venin consciemment. Alors, un peu de respect, non mais !

 

Et si tu es devenu(e) expert(e), tu peux parfaitement cueillir une jeune feuille d’Ortie dioïque, la plier, la rouler sur elle-même de façon à emprisonner la partie supérieure du limbe et la déguster telle quelle pour bénéficier d’un concentré de chlorophylle crue. Une dizaine de feuilles donnent davantage d’énergie qu’une barre de céréales et c’est bien meilleur pour la santé.


LE SAVAIS-TU ?

Les anciens bergers, lorsqu’ils étaient en alpage, cueillaient des feuilles d’Orties, les roulaient en boule et les mâchaient.

Ils se servaient de cette bouillie pour panser une plaie ou arrêter un saignement de nez.


Si, malgré tout, tu te fais piquer…

D’abord, c’est parce que tu n’as pas tenu compte de tous mes bons conseils (notamment les gants) ou que tu as voulu tester une des hypothèses mentionnées plus haut et que cela n’a pas marché…

Quoiqu’il en soit, t’as beau être matinal, t’as mal…

 

Sache que certains considèrent que c’est un bienfait… Oui, oui, là, je suis sérieuse…

Beaucoup ont soulagé leur arthrite, rhumatisme, sciatique, crise d’apoplexie, lumbago et autres joyeusetés par l’application de tiges d’orties. Et c’est un euphémisme ! Souvent, ils se faisaient fouetter avec. Oui, oui… Ils se faisaient « ortier ». « Qui aime bien, châtie bien » dit le vieil adage…


LE SAVAIS-TU ?

Dans la langue française, il existe des termes dérivés du nom « Ortie ». 

- Le verbe ortier, qui signifie piquer ou frotter avec des orties.

- Le verbe ortiller, qui n’est plus usité et qui signifiait démanger ou être pressé

- L’adjectif ortié(e), qui signifie qui a un rapport à l’urticaire, relatif à l’urticaire ou qui ressemble à l’urticaire

L’Ortie est, tu le sais, également présente dans de nombreux dictons, proverbes et expressions alors je m'arrêterai là. Il ne faut pas pousser mémé dans les Orties quand même !


Selon la légende, les légionnaires romains auraient introduit l’Ortie romaine, Urtica pilulifera, en Grande Bretagne pour se fouetter volontairement avec, afin de se réchauffer. Ils sont fous ces Romains !

 

Certains anciens, il n’y a pas si longtemps, glissaient des tiges d’orties sous les draps pour se réchauffer les pieds.

Cet hiver, je t’invite à y réfléchir…

Bon d’accord, il fallait vraiment avoir mal ou avoir très froid pour accepter ce traitement, appelé « urtication » mais ce remède qui remonte à l’Antiquité donnait des résultats.

On prenait avec la main, protégée d’un gant, une poignée d’orties fraîches et l’on fouettait la partie malade (Maria Treben en parle même dans La Santé à la Pharmacie du Bon Dieu). Cela provoque une éruption de boutons et active donc énergiquement la circulation.

Retiens bien que l’afflux de sang dans un organe ou une partie du corps permet une meilleure oxygénation et s’avère utile pour décongestionner les tissus mal irrigués ou encombrés de déchets.

 

Or, l’acide formique, contenu dans le venin de la plante et dont elle est si richement pourvue, a une activité anti-inflammatoire efficace.

Dans la nature, l’acide formique est retrouvé dans le dard et les piqûres de plusieurs insectes comme les abeilles et les fourmis, mais aussi sur les poils qui composent les feuilles de certaines plantes telles que les Orties. Son nom vient du mot latin formica qui signifie "fourmi" (ça tombe bien non ?), car sa première isolation a été réalisée par distillation de corps de fourmis. C’est un composant naturel du miel dont on ne s’étonnera pas puisqu'il explique certaines qualités de ce sucre naturel et délicieux (J'adore ça !).

L’acide formique (ou méthanoïque) a plusieurs applications. Il est utilisé en : 

- Médecine, comme analgésique externe ;

- Agriculture, où il est largement utilisé pour le fourrage. Il ralentit le flux des processus de décomposition et de putréfaction, qui contribue à la préservation à long terme de foin et d'ensilage ;

- L'industrie chimique comme solvant ;

- L'industrie textile pour la teinture de la laine ;

- L'industrie alimentaire comme agent de conservation ;

- Apiculture comme un moyen de lutte contre les ravageurs et notamment les acariens des abeilles (Varroa).

Mais, revenons à nos Orties...

 

Alors, si tu te fais piquer, malencontreusement, pense que tu n’es pas si malheureux(se) que ça et cherche vite, dans l’herbe, souvent pas si loin de la piquante Effrontée, l’un des antidotes à son venin : l’Oseille sauvage mais surtout le Plantain.

Dans nos campagnes, le Plantain, Plantago major ou Plantago lanceolata, est parfois appelé "plante de douleurs", car il est connu pour ses propriétés apaisantes.

En effet, ses iridoïdes, des composés du métabolisme secondaire, sont responsables de ses propriétés apaisantes sur la piqûre (16 molécules en tout), notamment l’aucubine, un hétéroside iridoïde présent dans certains végétaux, et ayant un usage médicinal en phytothérapie. Elle est naturellement synthétisée par des plantes tels le Ginkgo biloba, le Plantain justement, la Scrofulaire, le Bouillon blanc, l’Ispaghul, le Gattilier, la Bugle rampante, l’Euphraise, l’Épiaire des bois ou encore le Buddleia de David (Buddleja davidii). Mais j’en reparlerai dans un article consacré au Plantain.

Notre Plantago a aussi un PH basique a contrario de l’Ortie au PH acide : Dame Nature rétablit ainsi l’équilibre… 

 

L’Oseille sauvage, ou Rumex, a, dans ce cas précis, les mêmes propriétés mais dans une moindre mesure.

Deux manières de procéder :

- soit tu te la joues Heidi dans les alpages et tu mâches les feuilles de Plantain et/ou d’Oseille sauvage, comme nos bons vieux bergers le faisaient avec les feuilles d’Orties, pour faire sortir le suc de la plante avant de l’appliquer sur la piqûre

- soit tu froisses fortement les feuilles dans tes mains, tu en fais un tampon, et tu frottes sur la zone douloureuse. Le tout est de faire sortir le suc des feuilles.

Et ça fonctionne… rapidement ! Non seulement sur les brûlures d’Orties, mais aussi sur les piqûres de fourmis… Ben oui ! J’ai déjà dit que le liquide urticant de l’Ortie contenait de l’acide formique ! Tu suis un peu s'il te plaît ?

Alors, j'en entends quelques-uns qui commencent à râler... "C’est bien beau tout ça mais qu’est-ce qu’on fait si on ne reconnaît pas ces plantes ?"

Sache que certains prétendent que frotter les cloques avec de la terre sèche ou du vinaigre pourrait soulager la douleur… Pour le vinaigre, cela semble être corroboré par le fait que celui-ci fait perdre à notre Amie son pouvoir urticant.

On peut aussi choisir des feuilles d’herbacées au hasard (en évitant évidemment celles d’Orties n’est-ce pas ? Faut rester un peu logique…).

Étrange comme méthode ? Pas vraiment. Plutôt mathématique. Suis mon raisonnement...

On peut considérer qu’en prenant trois plantes au hasard, on multiplie les chances d’en trouver une dont les constituants nous aideront à combattre la verte Urticante. D’autant que la Menthe ou la Mauve peuvent aider. D’ailleurs, un proverbe turc assure : « L’Ortie a piqué mais la Mauve a léché. »

Alors, on peut imaginer qu’en en prenant cinq, ou dix, on multiplie encore nos chances… Mais, dans ce cas, on ne mâchouille pas ! Il est évident qu’on ne mâchouille jamais ce qu’on ne connaît pas !

 

Et si vraiment on n’ose pas cueillir de plantes dans ce cas (timide hein ?), on peut toujours se rouler dans la prairie en attendant que ça passe… 

Ou on devient philosophe à la manière de François Couplan : "Quant à l'ortie, quoique je fasse, j'ai toujours fini par me faire piquer. […] Ce qui change, c'est la façon dont j'aborde la situation. Parfois, cela m'ennuie d'avoir mal. À d'autres moments, cela me fait ressentir très fort la relation à la plante et la gêne physique devient alors une émotion poignante qui m'unit à l'ensemble du vivant."

Les plus prévoyant(e)s auront préparé une petite mixture (ou l’auront fait préparer) et l'emmèneront au cas où, dans leur promenade…

En plus, ça fonctionne aussi contre les piqûres d’insectes (moustiques et autres potes piquants)… 

Le rêve !

 

Mais, pas de panique !

Une fois cueillie, l’Ortie perd facilement son venin par :

- la cuisson : les Orties juste ébouillantées ne piquent plus du tout. C’est quand même mieux quand on fait une soupe ;

- le séchage : une quinzaine d’heures après avoir été cueillies, elles ne piquent presque plus car les poils ont séché eux aussi. Les animaux, d’ailleurs les mangent entièrement à ce stade ;

- le passage au vinaigre indispensable en cuisine pour les nettoyer ;

- l’ingestion : le masticage, cher à nos bergers ou aux avertis(es), va détruire les composants urticants qui ne résisteraient pas, de toutes manières, au tractus digestif.

- le cisaillage, découpage, mixage, broyage, pilonnage…

Bref, tu as compris.

 

Alors, maintenant, tu n'as plus aucune excuse... Tu vas pouvoir aller cueillir la belle Verte en toute sécurité... ou presque. Mais sais-tu pourquoi elle pique ? Non ? Lis le prochain article alors !

 

Herbalistiquement,